Le muséum d'histoire naturelle de Toulouse possède des fonds photographiques polymorphes et en évolution constante. La problématique de la photographie au muséum et de ses réseaux de diffusion s’est posée à travers la redécouverte de l’œuvre d’un homme du XIXe siècle : Eugène Trutat (1840-1910). La photothèque gère, numérise et conserve l’ensemble du trésor composé de 17.000 photographies dont l’essentiel est constitué du fonds Eugène Trutat. Il fut le premier conservateur du muséum et en devint le directeur entre 1890 et 1900. La profusion d’images liée aux activités scientifiques et pédagogiques de cet homme impose l’humilité et questionne aussi sur son infatigable détermination à photographier ce qui l’entoure et à expérimenter les procédés photographiques en devenir. Les compétences en photographie ancienne et numérique rejoignent les métiers de la conservation et de la gestion des collections du muséum. Toutes les étapes du traitement se font en interne. Cette mission s’étend sur plusieurs années, tant l’ampleur de la tâche est considérable.
La photothèque du muséum est née tel un écrin protégeant son trésor.
Les fonds de la photothèque se scindent en deux : d’un côté, une collection photographique ancienne (1858-1939), de l’autre, une collection de photographies modernes qui, elle-même, se subdivise en deux catégories : les photographies argentiques et numériques. Un fonds ancien se définit par l’époque de création et le matériau utilisé. Sont considérés comme anciens tous les procédés nés avant l’apparition des films souples sur support non acétate à partir des années 1930. Ainsi, les fonds anciens de la photothèque se composent de plus de 17 000 plaques de verre et tirages photographiques. Les images contenues dans ces fonds ont, pour la plupart été réalisées par Eugène Trutat, Jacques Potteau, Augustin Pujol et Louis Mengaud. D'autres encore proviennent de photographes anonymes. Eugène Trutat occupe une place centrale dans la constitution de ces collections puisqu’il est l’auteur d’un grand nombre de photographies. Il est également à l’origine de la collecte d’une majeure partie du fonds. À son tour, il reproduisait énormément d’images en plaque de projection pour les distribuer dans les écoles toulousaines et améliorer ainsi l’enseignement. Les fonds anciens reprennent une multitude de thèmes et de procédés photographiques.
Les fonds argentiques constituent la première partie des fonds modernes et, par là même, la mémoire photographique du Muséum de la seconde moitié du XXe siècle. Ils réunissent plusieurs milliers de documents produits entre 1950 et 2000 : des diapositives, des tirages argentiques en noir et blanc et en couleurs. Le fonds numérique est, quant à lui, stocké sur les serveurs. On y retrouve les numérisations de l’ensemble des fonds et les campagnes photographiques produites en numérique. Peu à peu, des documents sonores et audiovisuels le complètent, car l’établissement organise notamment des missions ethnographiques au Brésil. Une diversité de formats de fichiers compose l’ensemble de la photothèque : TIFF, JPG, PDF, PSD, MP3, AVI (120.000 photos soit 2,7 TO). Bien ancré dans les problématiques du XXIe siècle et conscient des nouveaux enjeux de communications et d’interactions avec les publics, le muséum a investi de nouveaux espaces comme Internet et ses réseaux sociaux.
Le Muséum est présent sur de nombreux réseaux sociaux : Facebook, Twitter, Tumblr, Flickr, Scoop.it, Babelio, del.icio.us, Pinterest, Instagram… Il est aussi présent sur Wikimédia grâce au projet « Phœbus ».
Les gestionnaires de collections et les préparateurs sont amenés à produire leurs propres images. C’est le cas du taxidermiste, Brian Aïello qui réalise des photographies lors des étapes de préparations, d'écharnement des dépouilles, de prises de mesures… Ces processus de traitement faisaient aussi l'objet de prises de vue dès l'époque de son prédécesseur Philippe Lacomme au début du XXe siècle. Sylviane Bonvin-Pochstein, chargée des collections ethnographiques, participe dans un autre cadre à l'enrichissement des collections photographiques. En effet, le Muséum est engagé dans une politique d’enrichissement de ses collections amérindiennes grâce à un projet de collecte et d’échanges avec plusieurs communautés de l’Amazonie brésilienne. En collaboration avec l’association toulousaine Jabiru prod (Serge Guiraud) et le laboratoire EREA du CNRS (Nathalie Petesch), le muséum organise une mission de terrain par an depuis 2011. Les témoignages vidéos et photographiques complètent ces collectes et sont donc incontournables. Ils constituent le patrimoine photographique du XXIe siècle.
Aujourd'hui, la photothèque du muséum, c'est 200.000 images : 23.000 photos anciennes, + de 100.000 photos numériques, 14.000 photos à traiter, 3.482 planches d'herbier numérisées, + 1 tonne de verre...
L’étude des usages et pratiques de l’image au sein du réseau professionnel de l'établissement met en évidence le fait que ce dernier se trouve au cœur du dispositif de travail et de communication. Depuis 150 ans, la photographie (et les images) s'est imposée au muséum comme médium incontournable, diffusé dans tous les réseaux et bien avant l'existence du Web 2.0. Mais aujourd'hui, toute la difficulté est de ne pas tomber dans une hypertrophie visuelle au détriment de l'image de l'établissement. Cette problématique n'est-elle pas tout l'enjeu des images dans notre société actuelle ?
par Frédérique Gaillard, Responsable des collections photographiques du muséum de Toulouse et chargée d'enseignement supérieur
Extrait de l'article : Frédérique Gaillard, « Organisation d’une photothèque polymorphe dans un muséum en perpétuel mouvement : le muséum d’Histoire naturelle de Toulouse et ses 150 ans de photographies » in Les dossiers de l'OCIM "Musées, Centres de sciences et réseaux documentaires : s'organiser et produire", OCIM, Dijon, 2016, p. 127 (ISBN 978-2-11-139616-6)
PHOTO : plaque positive stéréoscopique au gélatino-bromure d'argent, format 6x13 cm. Sans inscription ni mention d'auteur. Photographie réalisée en Asie.
*** Publications ***
Francis Duranthon, Marie-Dominique Labails, Frédérique Gaillard, Luce Lebart, Pierre Gastou et François Bordes, Eugène Trutat, savant et photographe, Muséum de Toulouse, 2011. (ISBN 978-2-906702-21-9)
Bertrand de Vivies, Luce Lebart, Frédérique Gaillard et Donatien Rousseau, Le Tarn : Regard photographique d'Eugène Trutat (1840-1910), Éditions Grand Sud, Albi, 2013. (ISBN 978-2363780416)9)
Bruno Fay, Marc Ancely, Frédérique Gaillard, Luce Lebart et Patrice Guérin, Biarritz par Georges Ancely et Eugène Trutat, Aquarium de Biarritz, Biarritz, 2016.
Frédérique Gaillard, « Sciences, enseignement et photographie : les indissociables activités d’Eugène Trutat (1840 - 1910) » In Plaques photographiques, fabrication et diffusion du Savoir, Colloque international organisé par Denise Borlée et Hervé Doucet, Institut d’Histoire de l’art (EA 3400), Université de Strasbourg, mars 2016 (Publication : Presses Universitaires de Rennes, 2017)
*** Documentaires ***
Christophe Giffard, Museum Collection Eugène Trutat, radiodynamique.net, Toulouse, 2014.
Emma Fariñas, Instants saisis, Mira productions, Toulouse, 2015.