21 Avril 2008
Dans le contexte inverse, The Dreadful Details (Les détails épouvantables) d’Eric Baudelaire est exposé au Festival Visa pour l’Image. Ce diptyque dont le sujet est mis en scène dans un décor de studio interroge aussi l’image médiatique. Il se différencie du reste des expositions du festival par sa mise en scène, sa composition en deux parties, la taille de l’image (format qui n’est jamais utilisé pour une image présentée dans ce festival) et l’usage d’une corde (seuls les supports des cordes sont visibles sur l’image ci-dessus) qui délimite un espace de sécurité. Autant d’éléments qui contribuent à la sacralisation de la photographie. L’auteur dit être dans la continuité des gravures de Goya, de la peinture de batailles et cherche à susciter une réflexion critique sur la représentation de la guerre. Cette photographie rejoint le grand genre de la peinture d’histoire dont Luc Delahaye fait référence pour sa série History. Si ce diptyque a dérangé les professionnels du journalisme présents à Perpignan, sa crédibilité semble toutefois établie car il représente un événement banal, non pas parce que cette scène a été vécue par n’importe quel spectateur lambda mais bien par le fait que chacun d’entre nous a l’impression d’avoir déjà vu cet instant dans l’actualité. Sous cette approche du sujet, la presse peut réellement s’inquiéter. Voir une œuvre contemporaine à Visa pour l’Image, offre un autre regard tout aussi intéressant qu’un reportage. De plus, elle alerte sur les dangers de cette machine bien rodée qui consiste à diffuser à grande échelle des images proposées par un nombre de plus en plus réduit d’agences et donc de regards sur les événements. Ce flux d’images semble incontrôlable comme le prouve Sophie Ristelhueber avec Eleven blowups, incapable de mentionner les noms des vidéastes qui ont fourni les images à l’agence Reuters : leur employeur. Pourtant, ce festival tente « d’inverser la vapeur » en montrant des reportages qui ne trouvent pas leur place dans les colonnes de la presse écrite alors que chaque édition du festival laisse un arrière goût de redondance au fil des expositions.
Falling man et The Dreadful Details, l’une issue du photoreportage et l’autre de l’art contemporain, sont présentées avec un dispositif particulier qui font là encore, prendre conscience de l’importance de la scénographie d’une exposition sur la réception de l’image. Ces deux cas illustrent la transversalité entre la photographie dite « de presse » et la photographie dite « plasticienne ». Les champs se rencontrent et posent aussi des questions fondamentales sur les statuts de photojournaliste et d’artiste.
[Informations techniques]
>>> The Dreadful Details, 2006